Hong Gone
J’y suis allé parce que d’autres en sont partis; je voulais tenter de comprendre pourquoi. Je savais que sept nuits n’allaient pas suffire, mais je savais aussi qu’il ne faut jamais sous-estimer une première fois aussi brève et impromptue qu’elle soit.
Hong Kong n’est pas une ville que l’on peut tutoyer du premier regard. Mon sentiment d’avoir été accueilli s’est arrêté à une immigration fluide et à un transfert froidement efficace de l’aéroport à l’île centrale. Le reste fut rugueux, moite, dense, fascinant et envoûtant comme un film de Wong Kar Wai.
Je n’avais pas de plan, pas d’itinéraire et mon seul désir fut d’errer pour laisser mes sens me guider. J’ai photographié comme on pose des questions à une amie imaginaire; le temps des réponses pourra toujours suivre. Je souhaitais d’abord me débarrasser des stéréotypes ancrés dans mon ignorance, car je ne connaissais finalement que le nom de ce lieu, ce qu’on m’en a dit et des bribes de son histoire consignée dans la mémoire collective. Il me manquait l’expérience de sa réalité, les sensations, les odeurs, les goûts et l’énergie de ses habitants.
Pendant ces quelques jours, je n’ai pu qu’effleurer le quartier Central des affaires, Sheung Wan où se situait ma première chambre au trente-troisième étage, l’escalator des Central-Mid-Levels — le plus long du monde, les incontournables tramways « Ding Ding », la silhouette carrée des taxis Toyota, puis le Star Ferry vers la mythique Kowloon, Tsim Sha Tsui, la baie, la Skyline imposante, Mong Kok, les marchés, les shopping malls cachés, Temple Street, la dense foule grouillante, les « cha chaan teng » — ces cafés traditionnels où je n’ai jamais réussi à commander ce que je voulais, le métro avec ses murs carrelés monochromes, puis le funiculaire bondé vers Victoria Peak et enfin, sa vue impossible sur l’horizon urbain constitué de ces bâtiments effilés qui semblaient défier les nuages tout en étant comme plantés dans un pique-épingles géant.
À peine ouverte, la parenthèse s’est refermée au retour à l’aéroport devant une soupe de wonton réconfortante et un sentiment d’enivrement mêlé à une frustration inhabituelle.
Hong Kong a une beauté complexe qui souligne ce qui m’a attiré vers elle. Je m’y suis perdu, presque brûlé, mais je m’y suis aussi abandonné avec confiance au point de me sentir penaud de l’avoir quittée si prématurément. Je voudrais pouvoir envisager la réciproque.